𧠠La théorie polyvagale : Et si votre systÚme nerveux était un zoo intérieur ?
- 12 oct.
- 6 min de lecture
Dans un précédent article, je vous présentais les bases de la théorie polyvagale et son rÎle dans la compréhension de nos réactions face au stress. Vous pouvez le retrouver ici.
Aujourdâhui, je vous propose dâaller un peu plus loin â non pas dans la thĂ©orie, mais dans lâexpĂ©rience. Parce que la thĂ©orie polyvagale, avant dâĂȘtre un concept, se vit dans le corps, dans nos comportements, et parfois⊠à travers nos animaux intĂ©rieurs. đ đŠđŽđđŹ
đŹÂ « Notre corps ne ment pas : il sâadapte avant mĂȘme quâon ait eu le temps dây penser. »
1. Votre systÚme nerveux, ce zoo intérieur
Les diffĂ©rents Ă©tats du systĂšme nerveux peuvent ĂȘtre imaginĂ©s comme des animaux. Chacun reprĂ©sente une maniĂšre de rĂ©agir Ă lâinsĂ©curitĂ©, Ă sa façon de protĂ©ger lâorganisme.

đ  Le tigre : le systĂšme sympathique actif â « combat »
Quand ce systĂšme dâhyperactivation sâenclenche, notre corps pousse Ă lâaction, au mouvement, au « faire ». Les personnes en mode tigre ont du mal Ă sâarrĂȘter : toujours en train de ranger, dâaider, de faire avancer les choses. Dans une rĂ©union de famille, ce sont celles qui sont partout Ă la fois : au four et au moulin, Ă dĂ©barrasser la table avant mĂȘme que tout le monde ait fini.
Elles peuvent aussi se montrer facilement irritables, rĂ©agir fortement Ă lâinjustice. Le message de leur systĂšme nerveux est simple : « bouge, agis, dĂ©fends-toi ! »
Son rĂŽle ? ProtĂ©ger par le combat. Chez nos ancĂȘtres, cette Ă©nergie servait Ă chasser ou Ă dĂ©fendre le groupe.

 đŽ La gazelle : le systĂšme sympathique fuyant â « fuite »
Câest un autre mode dâhyperactivation, mais cette fois pour se protĂ©ger en fuyant. La gazelle sâagite, bouge, Ă©vite.
Ce sont ces personnes qui ont toujours un petit mouvement de jambe quand elles sont assises â ce corps qui cherche inconsciemment la fuite. Elles peuvent aussi avoir tendance Ă Ă©viter certaines situations, ou Ă se rĂ©fugier dans des comportements dâĂ©vitement : Ă©crans, sucre, travail, achats, alcool, cigarette, etc.
La gazelle, câest aussi la posture âbisounoursâ : penser positif pour ne pas affronter ce qui dĂ©range. Lâintention est belle, mais souvent, avant dâatteindre la paix, il faut accepter de plonger dans ses Ă©motions.
Son rĂŽle ? Fuir pour survivre. Chez les animaux, la fuite permettait dâĂ©chapper au danger. Chez nous, câest souvent un Ă©vitement Ă©motionnel.

đŠÂ âšÂ La biche : le systĂšme sympathique rigide â âfigement hypertoniqueâ
Imaginez une biche ou un chat pris dans les phares dâune voiture. Le corps est prĂȘt Ă bondir, mais reste bloquĂ©. Câest le figement hypertonique : immobilitĂ© sous tension.
Les personnes « biches » cherchent Ă tout contrĂŽler. Leur environnement doit ĂȘtre cadrĂ©, prĂ©visible. Elles peuvent sembler rigides ou intransigeantes, mais câest une maniĂšre pour leur systĂšme nerveux de garder la main sur la situation.
Son rĂŽle ? Observer avant dâagir. Le corps se bloque quelques secondes, le souffle se suspend : un Ă©tat transitoire avant la fuite ou le combat.

đ Lâopossum : le nerf vague dorsal â « figement hypotonique »
Quand un coyote attaque un opossum, celui-ci tombe raide, comme mort. Son cĆur ralentit, sa respiration devient imperceptible⊠jusquâĂ ce que le prĂ©dateur se lasse et sâen aille.
Chez nous, cet Ă©tat ressemble Ă un effondrement Ă©motionnel et physique : plus dâĂ©nergie, dĂ©connexion, retrait du monde. Les personnes en mode opossum semblent fatiguĂ©es, timides, parfois invisibles. Ce nâest pas de la paresse : câest un mode de survie.
Son rĂŽle ? Se faire oublier pour survivre. (Et petite parenthĂšse : si vous croisez un ours noir â pas brun ! â il paraĂźt quâil vaut mieux faire le mort đ. EspĂ©rons que cela reste de la thĂ©orie !)

đŹÂ Le dauphin : le nerf vague ventral â âsĂ©curitĂ©â
LâĂ©tat de sĂ©curitĂ©, câest celui du dauphin : calme, connexion, dĂ©tente. Câest le moment oĂč notre systĂšme nerveux est apaisĂ©, oĂč le lien Ă lâautre est possible, oĂč le corps respire.
Mais ĂȘtre dauphin en continu nâest ni rĂ©aliste, ni souhaitable. LâinsĂ©curitĂ© finit toujours par pointer le bout de son nez â et câest normal.
Le rĂŽle du dauphin ? Permettre la connexion et la co-rĂ©gulation. Câest un peu comme un muscle Ă entretenir : plus on le pratique au quotidien, plus il devient accessible quand une insĂ©curitĂ© apparaĂźt.
đŹÂ « Ils ne sont ni bons ni mauvais â ils essaient tous, Ă leur maniĂšre, de vous protĂ©ger. »
2. Comment on passe dâun animal Ă lâautre
Le systĂšme nerveux nâest pas un interrupteur ON/OFF, mais un ascenseur Ă©motionnel.
Lâopossum vit au sous-sol, les modes dâhyperactivation (tigre, gazelle, biche) sont aux Ă©tages, et le dauphin circule entre tous.
Quand le dauphin se couple avec :
đ le tigre â il donne de la motivation et de la force dâaction
đŽ la gazelle â il favorise la crĂ©ativitĂ©, la danse, le jeu
đŠâš la biche â il soutient la prĂ©sence, la rigueur et la concentration
đ lâopossum â il permet au corps de se recharger et se reposer
Nos Ă©tats changent en permanence, souvent sans quâon sâen rende compte. Mais on peut apprendre Ă percevoir ces transitions par les signaux corporels : respiration, rythme cardiaque, ton de la voix, regard, tension musculaireâŠ
đŹÂ « RĂ©guler, ce nâest pas rester dauphin Ă tout prix, câest apprendre Ă naviguer entre les animaux. »
3. Se réguler ensemble : la puissance de la co-régulation
Avant dâĂȘtre humains, nous sommes des mammifĂšres. Et les mammifĂšres ne vivent pas seuls : ils chassent, se reposent, se protĂšgent ensemble. Câest pour cela que nous nous regroupons dans des villes, villages, hameaux.
Dans la nature, aucun animal ne reste en hyperactivation constante. La gazelle ne fuit pas sans raison, sinon elle sâĂ©puiserait. Le lion ne chasse que quand câest nĂ©cessaire, puis il dort.
Nous, les humains, avons parfois oubliĂ© ce rythme naturel â jusquâĂ nous Ă©puiser. (Spoiler alert đą : câest pour cela que le burn-out nâest pas une mode, mais un vrai signal du corps.)
Notre systĂšme nerveux « lit » en permanence celui des autres et scrute notre environnement en parallĂšle. Câest pourquoi un cheval devient nerveux si son cavalier a peur, ou pourquoi un enfant sâapaise dans les bras dâun parent calme.
En consultation, câest la mĂȘme chose : pour que lâautre se rĂ©gule, je dois dâabord rĂ©guler mes propres Ă©tats. Parfois, un sourire, un ton doux ou une touche dâhumour suffisent Ă relancer la sĂ©curitĂ©.
đŹÂ « La co-rĂ©gulation, câest prĂȘter un peu de son dauphin Ă lâautre â lui offrir un peu de son calme pour quâil retrouve le sien. »
4. La régulation au quotidien grùce à la théorie polyvagale
Notre systÚme nerveux ne parle pas le langage de la réflexion, mais celui du corps.
Imaginez votre cerveau comme une colocation :
đŠÂ le dinosaure, rĂ©flexe, rĂ©agit dâabord et rĂ©flĂ©chit ensuite ;
đ±Â le chat, Ă©motionnel, compare le prĂ©sent Ă votre passĂ©, et souvent il ne fait pas la diffĂ©rence entre ce quâil sâest passĂ© quand vous aviez 2 ans de ce qui se passe maintenant ;
đąÂ la tortue, rationnelle, arrive toujours un peu aprĂšs pour mettre des mots.
Le souci, câest que quand le dinosaure sâemballe, la tortue met du temps Ă la rattraperâŠ
Pour apaiser cette mĂ©nagerie, le plus efficace, câest de parler au corps :
     đŹÂ Respirer lentement : le nerf vague ventral (le dauphin) prend racine prĂšs des poumons.
     đȘ Se redresser : comme AmĂ©lia Shepherd dans Greyâs Anatomy, fait la posture de Superman avant chaque opĂ©ration pour insuffler confiance en soi et assurance.
     đ€±Â Se bercer : retrouver la sĂ©curitĂ© du corps contenu.
     đ¶ââïž Marcher : remettre du mouvement dans le corps.
     đ Pleurer, soupirer, bĂąiller : libĂ©rer lâĂ©nergie bloquĂ©e.
     đłÂ Se connecter Ă la nature : suivre les rythmes des saisons, comme le font les autres mammifĂšres.
Chaque petit geste dit au corps : « Tu es en sécurité. »
đŹÂ « La rĂ©gulation, câest lâart de parler au corps dans sa propre langue. »
đŹÂ 5. Retrouver son dauphin intĂ©rieur
Retrouver son dauphin intĂ©rieur, câest dâabord reconnaĂźtre les autres animaux. Observer ses rĂ©actions sans jugement, normaliser ses Ă©tats :
« Câest OK, mon systĂšme nerveux essaie de me protĂ©ger comme il peut. »
Quelques repĂšres corporels :
đ Â Tigre â tension dans le dos, les bras, la mĂąchoire.
đŽÂ Gazelle â agitation dans les jambes.
đŠâšÂ Biche â rigiditĂ©, blocage.
đ Opossum â fatigue, dĂ©crochage, manque dâĂ©lan.
đŹÂ Dauphin â fluiditĂ©, respiration, calme.
Nommer ce quâon ressent, câest dĂ©jĂ amorcer la rĂ©gulation.
« Je ferai mieux plus tard, pour lâinstant je prends soin de moi. »
Je vous proposerai prochainement un document tĂ©lĂ©chargeable pour explorer vos Ă©tats et crĂ©er votre propre cartographie intĂ©rieure. đž
đŹÂ « Votre systĂšme nerveux nâa pas besoin que vous le domptiez â juste que vous lâĂ©coutiez. »
đ En conclusion
La sĂ©curitĂ© ne se force pas, elle se cultive. Elle naĂźt dans ces moments oĂč le corps se dĂ©tend et oĂč le lien redevient possible.
đżÂ « Apprivoiser ses animaux intĂ©rieurs, câest apprendre Ă se sentir vivant, tout simplement. »

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